Claire Darnalet et Yvan Rihs

Le génie des ingénu.e.s [Acte IV]

 

Pour clore le feuilleton Le Génie des ingénu.e.s (IV), la parole passionnée de Claire Darnalet, 21 ans, élève en 1ère année à La Manufacture* fait écho à celle du metteur en scène Yvan Rihs, actuel Doyen et Directeur de la filière théâtre du Conservatoire de Genève.

©Claire Darnalet

À quel moment avez-vous décidé d’entamer une formation théâtrale diplômante ?

CLAIRE. J’ai l’impression de l’avoir toujours voulu. À 7 ans, je commençais les cours de théâtre. À partir de 13 ans, j’ai rêvé d’entrer à La Manufacture suite à un gros coup de cœur pour le spectacle de sortie de la promotion J : Rip it up and start again, mis en scène par la Cie Motus. Mes jambes tremblaient d’envie de bondir sur scène.
Mes vocations professionnelles ont tendance à se révéler hors des domaines auxquels on prédestine les femmes. J’ai d’abord voulu devenir militaire ! Une voie qui – pour toutes sortes de raisons – n’a plus concordé avec mes valeurs.
Le désir de théâtre, lui, ne m’a pas quittée. Après une maturité spécialisée en art de la scène à Martigny, j’ai intégré la classe pré-professionnelle dans cette même ville avec l’objectif clair d’intégrer La Manufacture. J’aime la manière de travailler proposée par cette école, dont de nombreux comédiennes et comédiens que j’admire sont issus.

YVAN. C’est justement ce que je n’ai jamais décidé. A l’époque où je suivais les cours préparatoires du Conservatoire à Genève, j’ai été invité à passer le concours pour la formation supérieure d’art dramatique, mais j’ai tout fait pour me défiler! J’avais 20 ans et j’étais pris par plein d’autres possibilités de théâtre, en compagnies, en projets sauvages, en écriture, en engagements multiples et variés… J’ai fait en parallèle tout un parcours à l’Université, mais je ne me voyais pas à l’époque dans les contraintes d’une école de jeu. Surtout je n’étais pas vraiment intéressé par la formation ou le diplôme, j’avais surtout besoin de papillonner, de fabriquer, de faire des expériences, des rencontres, et j’ai eu la chance d’en avoir toutes sortes d’occasions par effets de rebondissement, et c’est ce qui m’a mis pour de bon dans le métier, jusqu’à ce que j’assume de faire mes propres projets comme metteur en scène.

Vos parents ont-ils joué un rôle dans votre intérêt pour le théâtre, ou est-ce un appel personnel ?

©Claire Darnalet

YVAN. Ma maman a joué un rôle certainement important. Pas du tout pour que je devienne acteur, mais pour me faire partager son plaisir de spectatrice qu’elle tenait elle-même de sa maman. Elle m’a emmené régulièrement au théâtre pendant toute mon enfance. Je me souviens par exemple d’un spectacle du clown Peter Wyssbrod, particulièrement d’un numéro de beuverie solitaire que j’avais trouvé juste désopilant. Ça a été un peu une révélation. Puis elle m’a emmené entre autres à La Comédie de Genève au temps de Benno Besson dont le travail m’a fortement marqué. Et puis dans d’autres lieux parfois moins captivants. Je n’ai sûrement pas vu tout ce qu’il fallait voir, mais pour moi l’envie de théâtre vient vraiment d’un désir de spectateur.

” Pour moi l’envie de théâtre vient vraiment d’un désir de spectateur “

CLAIRE. Mes parents m’ont toujours soutenue dans mes choix. Jamais je n’ai subi la moindre pression de leur part. Mais, du côté de l’un d’eux, on collectionne les réussites universitaires, tous les enfants jouent d’un instrument de musique, bref tout un pan de ma famille suit le schéma du cliché académique. Alors, mon petit sourire intérieur s’allume parfois quand j’entends certaines réactions, du genre : « ah, tu fais du théâtre ? Mmm, c’est… rigolo ». Je n’en veux à personne. Dans certains milieux, les métiers artistiques ne sont pas valorisés tant que tu ne deviens pas une star qui explose tout.

En parlant de « star », j’ai le soutien indéfectible de mon petit frère de 13 ans. Lui veut devenir biologiste marin. Un jour, alors qu’il était tout petit, il m’a dit : « c’est incroyable, j’ai l’impression que tu es à la fois ma sœur et une rock star ! » (rires). Cela m’a fait tellement plaisir. Il est très présent et soutenant.

Parmi mes amis, certains ont pris conscience que j’étais sérieuse le jour où je leur annoncé ma réussite au concours d’entrée de La Manufacture. Il n’est pas simple d’expliquer en quoi consistent concrètement mes études. Je suis des cours de théâtre, de chant, de danse, voilà… Intégrer La Manufacture a changé le regard des autres sur moi parce que cela valide le fait que j’ai ma place ailleurs que dans le petit club de théâtre du village. Mon entourage a enfin pris conscience que ce n’était pas une blague et me considère différemment. Avant, je devais argumenter doublement par rapport à mes potes qui choisissaient psycho. 

« J’aimerais que ma pratique théâtrale se répercute dans ma vie entière. Je cherche un idéal de liberté.» 

Votre rêve de comédienne, c’est…

CLAIRE. Je ne sais pas si j’ai envie d’avoir ce qu’on appelle un métier. J’aimerais que ma pratique se répercute dans ma vie entière. Je cherche un idéal de liberté.
Grâce au jeu, je rêve de faire surgir quelque chose du corps. Travailler des textes m’enrichit de la tête aux pieds. Le théâtre permet d’être quelqu’un d’autre, de s’échapper. À chaque fois que je joue, je suis surprise de voir surgir ce qui était en moi sans que je le sache. M’imaginer comédienne me donne un peu le vertige et me fait rire. Qui suis-je pour que des gens se déplacent et paient pour me voir sur scène ? Je vais faire semblant d’être une autre, eux feront semblant de me croire. Tout le monde se sera mis d’accord. Cette absurdité mutuelle me fait rêver.
Concrètement, j’ai envie de faire du doublage, du cinéma, des rencontres, de… comment dire… créer de nouvelles choses !
J’appartiens à une génération qui vivra peut-être la fin du monde, ou peut-être pas. Cette incertitude est terrifiante. Pendant 16 ans, je me suis tellement ennuyée sur les bancs de l’école. À présent, je fais enfin ce que je veux. Mais ne sachant pas si je vais vivre longtemps, ni si je serai heureuse longtemps, je crois que j’ai juste envie de m’éclater comme un enfant. Oui, je rêve de vivre une 2ème enfance et de pouvoir enfin exprimer tout ce que je veux exprimer. Il est trop tard, alors éclatons-nous une dernière fois !
Parallèlement au théâtre, je rêve de dessiner, d’écrire. Je ne sais pas si c’est la flemme, le manque d’ambition ou de motivation mais je ne fais jamais les choses complètement ; c’est un défaut que j’ai.

Quel serait votre théâtre idéal ? À construire s’il n’existe pas, ou à rejoindre s’il existe.

CLAIRE. Jusqu’à présent, j’ai eu deux gros coups de foudre. Le premier pour la Cie Kokodyniack, fondée par Véronique Doleyres et Jean-Baptiste Roybon, tous deux sont issus de La Manufacture. Ils ont mené un stage à la pré-pro de Martigny. Leur approche documentaire, le traitement de la parole directe, leur manière d’utiliser le témoignage m’ont passionnée. Nous commencions par un échauffement de 2 heures. Rien que d’en parler, j’ai des frissons. Ils savent comment te faire entrer dans une autre peau, comment réveiller chaque cellule pour qu’elles se frottent entre elles et que tout devienne électrique. Grâce à eux, j’ai atteint des états de jeu que je ne pensais jamais atteindre et j’ai ainsi pu ouvrir en moi des dimensions insoupçonnées. En plus, leur théâtre est agréable à regarder, chorégraphié, posé, proche de soi. Il libère des émotions et fait monter naturellement les larmes. J’espère tellement pouvoir retravailler avec eux !

Mon second coup de foudre est la rencontre avec deux intervenants réguliers à La Manufacture : Julie Rahir et Christian Geoffroy-Schlittler. En octobre dernier, ils sont venus une dizaine de jours pour nous initier à la méthode Feldenkrais** qui permet, par la répétition, de chercher une forme d’étrangeté. En tant que spectatrice, j’aime quand ça dure trop longtemps, quand on joue avec la sensation de malaise. J’aime avoir envie que cela s’arrête, ressentir de la gêne et de la fascination en même temps.

J’ai adoré ressentir tout cela depuis la salle mais je préfère encore le faire sur scène. Le public est assis, il se tait et t’écoute. C’est toi qui détiens le pouvoir de la parole et c’est jouissif.

Lorsque j’étais en pré-pro, nous avions participé à un projet en partenariat avec La Manufacture, Christian Geoffroy-Schlittler et les masters en mise en scène-scénographie. Nous avions utilisé la méthode Feldenkrais. À la dernière représentation, le metteur en scène nous a annoncé : « ma part du contrat a été remplie, maintenant c’est votre spectacle ; vous en faites ce que vous voulez. C’est à vous de me désobéir ». Cette indication m’a fait l’effet d’une douche froide. Jamais auparavant je n’avais été encouragée à désobéir ! Résultat : la représentation a été deux fois plus longtemps que les soirs précédents, nous avons fait n’importe quoi mais, grâce à la méthode Feldenkrais, ce fut incroyable à vivre. Par contre, je ne suis pas certaine que cela ait été agréable à regarder. Sans doute y avait-il certaines longueurs et des bizarreries puisque nous cherchions l’étrangeté. Comme des enfants insolents, nous n’avons pas forcément respecté la globalité du texte. Nous nous sommes mis en danger tous ensemble, en sortant du cadre prévu.

YVAN. Ce serait horrible s’il y avait un théâtre idéal ! En tout cas je ne l’ai jamais trouvé, ni comme metteur en scène ni comme spectateur, même si j’ai vécu dans les théâtres mes plus grands moments d’éblouissement, toutes catégories confondues.

Bien sûr, le théâtre est toujours une forme de quête idéaliste, une quête d’unité perdue, on voudrait que ça montre la voie d’un autre monde, plutôt que ça ne reflète simplement celui dans lequel on vit. Mais dans la réalité de l’action, on se rend compte qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’accompagnement, de réflexion en commun, d’ajustement, de démêlages, d’une autre façon de se pratiquer, de se confronter sans se mentir sur le fait que nous sommes fondamentalement disloqués, approximatifs, mal réglés. Et le grand bonheur c’est de jouer avec ça. Le théâtre est génial quand il se fout de l’idée pour aller à la chose.

©Claire Darnalet

Êtes-vous différente à la vie et à la scène ?

CLAIRE. Je ne sais pas si c’est le manque d’expérience mais ce sont pour moi deux dimensions très différentes. Quand je monte sur scène, mon corps le sait et il réagit : j’ai de la fièvre à chaque fois. Ma tête est comme prise dans un étau. Cette réaction physique s’accompagne d’une sensation difficile à décrire de distorsion du temps. Au théâtre, tu dois penser à tellement de choses simultanément que cela modifie notre perception du temps. Tout est pensé. Tu dois même penser à ce dont tu n’es pas censée penser dans la situation jouée mais qui pourrait éventuellement arriver.

En tant qu’étudiante-comédienne, quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

CLAIRE. Trouver ma place dans le groupe. Nous avons des caractères forts et explosifs. J’ai tendance à me juger et à douter de moi. La formation nous demande de jouer tout de suite ensemble, d’être proches alors qu’au départ nous sommes des inconnus les uns pour les autres. Mon autre difficulté est que je ne sais pas comment gérer ma vie sociale, en plus de l’école. Pendant 7 ans, j‘ai rêvé tous les jours d’entrer à La Manufacture. Durant la 1ère semaine de cours, je n’ai quasiment pas dormi tellement j’étais excitée d’y aller le matin. Et quand je rentrais le soir, j’avais le blues. Quoi ? Il faut encore perdre du temps à dormir ? Après notre entretien, j’y retourne pour y rejoindre des amis. Finalement, je ne sors jamais vraiment de cet endroit car rien ne fait concurrence au plaisir d’être là-bas.

En tant que doyen du Conservatoire, à la direction des classes de théâtre, quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez à ce poste ?

YVAN. Je dirais que la principale difficulté tient à l’ambition-même de notre école, particulièrement de notre filière préprofessionnelle intensive, du moment qu’on a décidé d’en faire autre chose qu’un simple cours préparatoire, autre chose qu’un tremplin à concours. On le conçoit comme un vrai lieu de connaissance, d’expérimentation et d’apprentissage au sens fort, au cœur de la relation théâtrale dans toutes ses possibilités, sans préjugés de registres, mais avec de vraies perspectives sur le plan de l’orientation. Reste qu’on parle d’un domaine professionnel qui comporte énormément d’inconnues, d’incertitudes, de faux-semblants. En équipe, on essaye de déjouer tout ça et de penser les choses avec une vision large, on y croit à fond et on s’y donne sans compter, mais avec des moyens naturellement limités. C’est un vrai tour de force, et c’est parfois difficile de le faire comprendre aux autorités administratives. Notre engagement est spectaculaire, et la finalité essentielle, mais nos résultats ne sont pas toujours forcément quantifiables.

©Carole Parodi

Yvan Rihs en répétition avec la classe pré-pro

« Dans la réalité de l’action théâtrale, on se rend compte qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’accompagnement, de réflexion en commun, d’ajustement, de démêlages, d’une autre façon de se pratiquer, de se confronter sans se mentir sur le fait que nous sommes fondamentalement disloqués, approximatifs, mal réglés.»

©Damien Schmocker

photo de répétition”Huck Finn” de Mark Twain mise en scène Yvan Rihs

À l’inverse, quel plaisir spécifique éprouvez-vous dans cette mission ?

YVAN. Le grand plaisir c’est bien sûr de se trouver là où tout commence et où tout est possible ! Pour nous, artistes de scène, le contact avec les élèves est évidemment formateur, mais je dirais plus que ça, c’est absolument vital. C’est tellement une histoire relationnelle, d’inspiration réciproque, de recommencer chaque fois au début, là où ça coince, là où ça se révèle, là où ça se questionne à la base. Ici c’est l’endroit rêvé pour en revenir ensemble aux toutes premières questions, qu’on a tendance à refouler dans nos pratiques artistiques prétendument accomplies. On a ici les pré-pros, mais aussi des cycles de cours de 6 à 25 ans : 180 élèves en tout. C’est une opportunité extraordinaire, et je me fais un immense plaisir de faire régulièrement des propositions qui mettent en relation ces différents âges du théâtre. 

 

Quel rapport à votre image entretenez-vous ? Sur un plateau ? Hors plateau ?

CLAIRE. Me voir sur des images de tournages ou de pièces est un cauchemar. C’est horrible, insupportable, affreux. Non seulement, je ne me reconnais pas mais je me trouve difforme. Il est difficile pour moi de me regarder, même en photo. J’ai l’impression de ne pas du tout avoir un physique dans les normes. Certaines parties de mon corps me complexent en particulier.

Je n’y pense pas en jouant mais lorsque je vois des images après, j’hallucine de ressembler à ça. Je me trouve moche, mais je n’en fais pas un drame. Cela me fait presque rire. On m’a pourtant déjà dit que je suis jolie. Certaines personnes le pensent vraiment. Tous les goûts sont dans la nature.

 

YVAN. Ce n’est pas juste une question d’image, mais c’est vrai qu’il faut composer avec le fait qu’on est toujours en situation d’être jugé, ou en tout cas exposé, sur le plateau comme en dehors. Ça ne se résout que dans un dévouement total à l’action et à l’essence du processus.

« Quand je monte sur scène, mon corps le sait et réagit: j’ai de la fièvre à chaque fois. Cette réaction physique s’accompagne d’une sensation difficile à décrire de distorsion du temps. »

Accepteriez-vous un rôle qui vous enlaidirait ?

CLAIRE. Oui, j’adorerais ! Pour moi, « La beauté est un désordre des sens, une perturbation, un choc qui excite et déroute à la fois ». Je crois que c’est André Breton qui dit cela. Pourtant, je sens cette pression qui plane en permanence sur le corps de la femme qui n’est jamais assez bien. Mes yeux, mon nez, ma bouche, mon ventre, mes seins, mes fesses, doivent être assez, mais pas trop. Par conséquent, les femmes se sentent toujours trop ou pas assez. Lorsque j’ai compris que je ne serai jamais bien, je suis tombée des nues car les remarques sur mon physique émanaient parfois de personnes que j’apprécie beaucoup, simplement parce qu’elles ont intégré les diktats de beauté comme des modèles standards.

 

Et quel rapport à l’image entretenez-vous sur les réseaux sociaux ?

CLAIRE. Quel enfer ! Dernièrement, j’ai décidé de poster sur instagram chaque jour une photo des stages de théâtre suivis l’année passée. J’étais fière de ce travail et des images mais après quelques jours, je me suis demandée qui cela allait intéresser.

Il m’arrive de poster une photo d’arbre dans ma story*** puis de me questionner : qui a besoin de voir ça ? Personne. La pression engendrée par instagram peut être extrêmement nocive. Aujourd’hui, je ne me maltraite plus l’esprit avec ça. Je me suis tranquillisée. Dire que j’ai harcelé mes parents pour avoir ce truc que je trouve glauque aujourd’hui.

L’autre jour dans le train, mon regard a été attiré par une fille qui s’est prise en photo pendant au moins 10 minutes. Elle se photographiait, effaçait la photo, recommençait frénétiquement. Cela peut sembler anodin mai j’ai trouvé le stress de cette femme hard core****. Les gens deviennent hyper-sensibles à leur image. Ils sont à vif tout le temps, et se protègent derrière leur clavier.

 YVAN. Assez nul, étant donné que je ne les utilise pas beaucoup.

Quels univers vous inspirent ?

CLAIRE. Un mélange entre Baudelaire et Dali. Il a vraiment un grain ce Monsieur. Je pourrais observer ses toiles pendant des heures. Non seulement sa peinture fait du bien aux yeux mais à l’âme aussi. La perspective qu’un autre monde – surréaliste – est possible me rassure. Je crois que j’aime bien ne pas tout comprendre. Cela contre la tendance actuelle épuisante qui consiste à avoir en permanence un avis sur tout.

Parmi les auteurs dramatiques, j’adore Tchekhov. Ses personnages donnent l’impression qu’il se passe quelque chose alors qu’il ne se passe rien.

Et pour citer quelques femmes dont on parle trop peu alors qu’elles cassent la baraque : j’aime Sarah Kane et Pauline Sales découverte récemment.

Au cinéma, j’apprécie particulièrement l’esthétique de Wes Anderson. Il essaie de nous faire croire que tout va bien. Et Stanley Kubrick aussi, dont les méthodes de travail questionnent l’éthique. En poussant ses acteurs et actrices dans leurs retranchements, il obtenait des performances incroyables mais certains y laissaient des plumes. Cet extrémisme me fascine même si je ne sais pas si je tiendrais le coup. Cela permet de questionner jusqu’où nous sommes prêts à aller pour l’art.

Dans le cinéma de Gaspard Noé, j’aime la manière d’associer les extrêmes : le vide et le trop plein, le beau et le laid.

Si je ne m’étais pas destinée au théâtre, j’aurais fait de la danse car j’aime le rapport au corps. Enfant, on nous apprend à porter des chaussures, puis à marcher avec toute la journée. Nous avons perdu la conscience de ce qu’il se passe physiquement à l’état de nature alors que nous sommes des animaux à la base. C’est triste. Cela m’intéresse de détricoter la part de l’acquis et de l’inné pour comprendre comment durer plus longtemps dans mon corps. Avec le mode de vie que je mène, je crois bien que si je ne faisais pas de théâtre, je serai out à 50 ans.

 

Quels sont vos textes fétiches pour la transmission?

YVAN. Je ressors assez régulièrement mes Novarina, Devant la parole ou d’autres textes qui ont été pour moi des déclencheurs. Je tape volontiers sinon un peu de tous les côtés, et pas forcément dans des livres sur le théâtre. Mais ma bible en ce moment, c’est Comment parler des livres que l’on n’a pas lus, de Pierre Bayard. Ça peut paraître éloigné du sujet, mais en termes de transmission c’est vraiment pour moi parabolique !

 

* La Manufacture : Haute école des arts de la scène, basée à Lausanne.

** Mise au point par Moshé Feldenkrais, cette méthode accompagne les processus de changement. Elle considère en effet la capacité de l’individu à apprendre et changer – sa neuroplasticité – comme un élément essentiel de la santé et de la vitalité.

*** story : séquence vidéo éphémère partagée sur un réseau social dans le but de partager une “histoire” courte filmée avec son propre téléphone.

**** hard core : dur, violent.

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