Delphine Lanza Au Pays des merveilles

J’AI DEUX AMOURS (III) Parce qu’il vaut mieux avoir plusieurs cartes dans son jeu, certain.e.s comédien.ne.s partagent leur temps entre plusieurs activités. Laure Hirsig dévoile les “multiples palettes” de Delphine Lanza…

Comédiennes et comédiens de ce feuilleton ne sont pas à demi-passionnés, mais doublement ! Parallèlement à leur métier d’interprètes, ils se consacrent pleinement à une autre pratique. Choisir, c’est renoncer. Eux dessinent un troisième territoire, à l’image de leur curiosité et de leur complexité, où leurs deux Amours peuvent s’ébattre en toute liberté.
Voici les anti-dilettantes, ouverts sur le monde, dont les témoignages tordent le cou à un solide préjugé sur les comédien.nes. Absorbés par la contemplation ébahie de leur nombril hypertrophié, ces êtres éthérés planeraient au-dessus du réel, captifs volontaires d’un monde parallèle, ou insouciance rime avec indolence. Rien n’altère la surplombante rêverie dans le cœur égoïste de la tour d’ivoire où ils se terrent. Planqués dans la fiction, actrices et acteurs s’épargneraient les aléas de la réalité. Ces indécrottables Narcisses font de l’exhibition profession de soi et de foi. Logique : l’ego gonfle sous les projecteurs, voilà un phénomène thermique bien connu. Être ou paraître, c’est comme boire ou conduire ; il faut chois… Stop !
Les idées préconçues sur les « théâtreux » ont la dent longue et la peau épaisse. Soyons aussi coriaces qu’eux pour les contrer. Femmes et hommes de théâtre ne sont pas d’immuables monolithes. Leurs champs d’action contribuent, au contraire, à opérer des changements concrets et pacifistes au sein de la société civile.
Je suis partie à la rencontre de polytalentueux qui ont accepté de dévoiler la face cachée de leur lune de miel avec un deuxième amour.

Photo page d’accueil: Quartier lointain©MarioDelCurto

Le dernier métro © Carole Parodi

«Je t’ouvre». Derrière le portail, l’insoupçonné. Une bâtisse d’un autre temps, des pétales orange dans la pelouse verte, un matou nonchalant qui montre les dents. Dans l’angle mort de la contrescarpe s’étale le lac létal. L’atmosphère littéraire a tout pour plaire.
Je passe de l’autre côté du miroir. Accueillie dans les confins de la maison où Delphine dessine et peint, je croise une communauté d’objets d’art ; colocataires muets de la maîtresse des lieux dont la voix coule comme un filet d’eau claire. D’elle, tout est clair : la chevelure, le regard, le teint, l’esprit aussi. Des boîtes s’ouvrent, en surgissent des kyrielles de peintures miniatures, de minuscules décors, de fragments de toiles de maîtres, de broderies intimistes. Ce microcosme emballé, déballé, remballé, surgit de boîtes pleines des «émerveillements» quotidiens que l’actrice cache dans son atelier. L’espace domestique, territoire de contemplation sans fin, réserve à qui sait se perdre dans ses recoins, des cadrages fantaisistes et des visions secrètes.
Quelque chose de l’enfance et de sa démesure aspire dans le détail, puis projette dans l’immensité abyssale. Delphine conserve de cet âge d’or la liberté de voyager dans les échelles, tendue vers les hauteurs de l’imaginaire sacré ou penchée sur le charme mélancolique de son terrier.
Nous allons droit au but, timides mais déterminées à faire connaissance à travers sa passion siamoise ; théâtre et arts plastiques.

Quel métier rêviez-vous de faire enfant?

– Du théâtre ! Vers 6 ans, j’ai su que j’en ferais mon métier. En voyant les préparatifs d’un spectacle de fin d’année à l’école, j’ai eu un déclic : « Je veux faire ça ! », tout en précisant « mais je ne veux pas les paillettes, ni être une star ». Ce fut catastrophique sur le plan scolaire parce que j’ai lâché tout le reste. Mes parents fréquentaient beaucoup d’artistes, dont des comédiens, ils m’ont donc soutenue. À 12 ans, j’ai intégré une compagnie de théâtre avec laquelle j’ai tourné partout en France. Ensuite, j’ai repris l’école en poursuivant le théâtre au Conservatoire populaire dans les cours de Maulde Coutau.

Pourquoi, comment et quand a commencé la pratique de la peinture?

– Au même âge, 5-6 ans. J’ai le souvenir de ma grand-mère qui sort de son portefeuille un papier minuscule. J’avais dessiné toute ma classe en miniature sur quelques cm carrés. J’ai grandi dans une famille d’artistes. Mon père jouait du saxophone quand j’étais enfant. Ma mère a fait de la voix son objet principal de recherche ; elle chante et forme des chanteurs. Mon beau-père est peintre. Et moi, je suis active dans le théâtre mais la peinture et le chant sont des pratiques intrinsèques à ma formation et à ma vie. Je suis partiellement autodidacte mais ne fais pas de l’art brut dans la mesure où j’ai reçu une culture artistique et vu des expos dans toute l’Europe. J’essaye toutefois de préserver ma naïveté picturale. Je n’éprouve pas de honte si je produis une pièce que je trouve moche. Je supporte l’incohérence et le raté. Ma finalité n’étant pas d’exposer, je ne me censure pas. Sans développer consciemment des thématiques, je remarque que je peins beaucoup de morceaux de maisons, des intérieurs, que ce soit chez ma grand-mère, ma table de nuit, des pas de porte, ce que l’on voit par la fenêtre, des chaises, des coins. Je saisis un endroit du regard. Pour moi, toutes ces images sont liées à “l’émerveillement”. Tout à coup, je trouve quelque chose vraiment beau, alors j’en attrape un bout. Peindre est une manière de partager ces émerveillements du quotidien qui me sont donnés.

Pouvez-vous me parler un peu des réalisations que nous voyons autour de nous?

– Je les considère plus comme des objets que des dessins. Je travaille sur carton. Je dessine au stylo bille fin, puis je peins à l’aquarelle. Pour cette série (qu’elle désigne), j’ai incrusté l’image dans du bois à maquette teint en noir. Je vernis l’aquarelle pour éviter que les couleurs changent. J’utilise une aquarelle pour enfants qui vient de Russie et la travaille comme de la gouache.
Un jour, mon petit-frère – qui dessine aussi – m’a fait remarquer : « Delphine, tu ne peins que des aplats. Ça ne bouge pas beaucoup ». Je me suis alors mise à faire des « études », c’est-à-dire à copier des toiles de maîtres. Je ne les redessine pas de manière académique parce que je trouve cela ennuyeux mais je choisis un morceau de l’œuvre que je reproduis à main levée sans respecter les échelles et sans me corriger. J’essaye de dessiner vraiment ce que je vois, alors parfois les proportions de l’original sont déviées. Je copie des miniatures iraniennes, des peintures du Moyen-Âge, de l’art naïf, du Goya, des Japonais, les traditionnels russes, … Ce travail de reproduction révolutionne ma manière de regarder. La première toile que j’ai copiée était de Vermeer. J’ai intensément observé sa manière de peindre la lumière et j’ai vu avec quelle finesse il la diffracte. Après cela, j’ai commencé à percevoir des nuances que mon œil ne captait pas avant, y compris dans les aplats. Émotionnellement, ce face à face avec les grands maîtres est perturbant. Je dois faire attention à ne pas être submergée par tant de beauté.
Ensuite, j’ai commencé les « boîtes ». J’utilise de petits personnages de maquette que j’intègre à des décors miniatures, incrustés et peints dans des boîtes d’allumettes. C’est assez théâtral. En tournée, j’emmène mes « borderies ». Normalement, on ne brode pas d’aplats mais plutôt des contours ou du point de croix. Moi je remplis comme si c’était du coloriage. Les jours de grand doute, il m’arrive de sortir tous ces objets. Ils me font un peu l’effet d’un câlin. L’avantage de mes petits formats est qu’ils ne prennent pas trop de place ; ils n’encombreront pas la descendance (rires). Plaisanterie mise à part, la miniature est idéale pour les gens qui vivent dans de petits appartements. Lorsque je dois voyager, j’en emmène deux ou trois. Où que j’aille ensuite, je me sens chez moi.

A quelle fréquence peignez-vous?

– J’ai besoin de m’ennuyer, de tourner en rond pour me mettre à peindre. Je recherche cet espace de friction quand je ne sais plus quoi faire de ma carcasse. Comme j’ai une vie très active, les vides sont rares. Or, lorsqu’on ne pratique pas régulièrement, on perd la main. Du coup, je recommence souvent par des « études » pour pouvoir m’appuyer sur quelqu’un. Il y a de tels génies…

Comment le théâtre professionnel vous a t-il percutée ?

– Ado, je faisais du café-concert avec Maulde Coutau. À 16-17 ans, j’ai été repérée par Pierre Naftule qui m’a fait entrer dans l’institution. Puis, Simon Eine de la Comédie française m’a engagée. Dominique Catton, Philippe Mentha et Françoise Courvoisier ont également accompagné mes débuts et m’ont initiée à d’autres formes que l’humour. Avec Françoise, j’ai découvert le théâtre contemporain, avec Dominique le théâtre pour enfant et les classiques à Carouge avec Simon Eine. Françoise m’a beaucoup aidée car elle faisait de la dentelle ; elle était pointilleuse et précise. Dominique Catton, qui était un homme angoissé, avait lui aussi besoin que ce soit carré.
Trois rencontres artistiques ont littéralement changé ma vie. Grâce à René Gonzalez à l’époque Directeur du Théâtre de Vidy, j’ai fait la connaissance du marionnettiste et peintre Rezo Gabriadze avec lequel j’ai fait deux spectacles. Giovanna Marini, chanteuse italienne et ethno-musicologue ainsi que l’actrice anglaise Natasha Parry, épouse de Peter Brook, avec qui je suis restée amie jusqu’à son décès en 2015, se sont elles aussi révélées déterminantes dans mon parcours. Toutes ces personnalités ont été d’une aide précieuse pour moi qui manquais de structure. J’ai fait mes classes avec elles en me formant sur le tas, ce qui, paraît-il, ne serait plus possible aujourd’hui. C’est bien dommage car c’est une bonne école.
Entre 17 et 20 ans, j’ai joué beaucoup de jeunes premières. Je me sentais comme un poisson dans l’eau sur scène et me laissais guider par mon intuition. Mon point faible était l’instabilité ; parfois le parcours intuitif était magique, parfois, j’étais à côté. En devenant professionnelle à 17 ans, je me suis pris très jeune de grosses galoches devant des salles de 500 personnes. Avoir des facilités m’a lancée précocement mais m’a également confrontée tôt à ce genre d’épreuve. Simon Eine me pressentait pour la Comédie française ; il avait fait venir l’un de ses collègues parisiens pour me voir jouer, mais j’avais perdu confiance.
1994 a marqué une rupture. Je suis partie en Hollande où j’ai eu mon fils l’année suivante. J’en avais marre du théâtre à papa, je me sentais engluée dans les classiques. J’adorais les jouer mais je n’aimais pas les voir. Cela me posait problème. L’exil m’a permis de vivre une ascèse de théâtre. J’ai énormément peint. Je voulais vérifier si j’étais vraiment actrice en arrêtant complètement. Le verdict a été sans appel : j’ai failli dépérir. Très peu de choses fonctionnaient en dehors du théâtre, à part la peinture justement. Partir m’a permis de brûler mes connexions, pas affectivement mais professionnellement. Il suffit de s’absenter quelques années pour être oubliée. J’aime bien ça, être oubliée… Disparaître et réapparaître, comme des renaissances.
Je suis revenue en Suisse en 1998 et j’ai repris le théâtre grâce à un spectacle de Voeffray-Vuilloud. Puis j’ai tourné un film Attention aux chiens de François-Christophe Marzal pour lequel j’ai reçu le Prix d’interprétation du cinéma suisse, un vrai cadeau de la vie. Je suis la première femme à l’avoir reçu. Cela m’a redonné confiance et a boosté mon envie de me frotter au théâtre expérimental. Personnellement, je respectais tous les genres théâtraux. J’avais démarré dans l’humour, j’aimais jouer les classiques mais le théâtre underground méprisait l’institution. Il a fallu tout réapprendre et assimiler de nouveaux codes de jeu. J’ai d’abord travaillé avec Valentin Rossier, puis j’ai rapidement rencontré Dorian Rossel avec lequel nous avons fondé la compagnie STT. J’aime travailler avec Dorian qui est un vrai chercheur. Il y en a très peu. Nous collaborons librement, je peux intervenir dans la réflexion, la partie intellectuelle, dans la scénographie, dans le jeu. Il n’a pas peur de perdre son pouvoir.

Miniatures de Delphine Lanza  ©   LH

” Pourtant, quand je dessine, je n’ai pas l’impression de faire un autre métier. C’est le même métier. Des fois, je me dis : je suis une actrice qui dessine. Parfois, je suis une peintre qui joue.”

Miniatures de Delphine Lanza © LH

Miniatures de Delphine  Lanza  © LH

Alors, heureuse ? 

– Oui. Ce qui n’exclut pas que, depuis quelques années, j’ai de nouvelles envies. Trois options se présentent à moi. Les trois sont sur les starting-blocks. La première m’appelle sérieusement vers la voix et le chant. La deuxième consisterait à réaliser mes propres mises en scène. Dorian me pousse depuis quelques années à cosigner. Si je me lance seule à la mise en scène, on risque de m’attendre au tournant avec une esthétique proche de la sienne. J’aimerais commencer dans ma réalité et non celle que les gens projettent sur moi par assimilation. La troisième option serait de signaler clairement mes envies, en tant qu’actrice, de rejouer de grands classiques. Je ne sais pas comment trancher car la vie défile sans coupure, sans temps mort pour réfléchir ces différentes pistes. Je me suis toujours promis d’être rigoureuse quant à la nécessité de continuer à être artiste. Avec le temps, on devient gras intérieurement. Il faut une certaine ascèse pour retrouver le fil de la nécessité et ne pas tirer sur de faux fils, parce que c’est confortable ou parce qu’il faut bien manger. Ce moment charnière est intéressant à traverser.

Quelle différence ressentez-vous dans la pratique du théâtre et celle de la peinture ?

– Quand on est sur scène, il faut exposer quelque chose de soi devant les autres et je trouve cela douloureux. J’ai besoin d’un espace parallèle qui ne soit pas pour les autres : la peinture. Les peintres peignaient pour Dieu à l’époque. Étudier la lumière, se sentir reliés au monde à travers quelque chose de plus grand que soi, qui se loge parfois dans l’infiniment petit, relève du mystique. Ce sacré-là existe aussi sur scène, mais on est sur le grill ! Le public nous regarde et je sens que cet endroit-là me brûle. J’ai besoin d’une zone de repli pour supporter une telle intensité. Il y a le théâtre où je montre, où je suis là et où je fais bonne figure vers l’extérieur. D’ailleurs, si je suis trop intérieure sur le plateau, je disparais, ce qui est un peu embêtant pour une actrice. Peter Brook m’a réconciliée avec la confrontation aux regards des gens. Il explique que la fin des répétitions et l’arrivée des spectateurs n’est pas une fin mais un début. J’ai commencé à prendre soin du public, à être à son écoute et à sentir les spectateurs, le jour où j’ai compris cela. Aujourd’hui, je suis passionnée par cette relation, alors que c’était l’endroit qui me faisait le plus mal. Sur le plateau, le magique peut opérer, ce que certains acteurs appellent : la grâce. Dans ces moments-là, les perceptions changent, l’échange gagne en qualité : ça, c’est l’émerveillement en scène. C’est tellement rare que si cet émerveillement advient, j’interviens le moins possible.

Qu’est-ce que le dessin vous apporte d’unique ?

– Je ressens une complémentarité entre théâtre et dessin. Le plateau satisfait un besoin du corps, le dessin un besoin manuel, le chant un besoin de sacré. Pendant longtemps, je ne parvenais pas à chanter sans être submergée d’émotions. Avec la peinture aussi, je dois faire attention, comme si trop d’émotions pouvaient mener à la folie. Je dois évaluer quelle dose d’émerveillement et de sacré ma structure peut supporter.
Le théâtre allie un travail intellectuel et corporel, la peinture du ressenti qui passe par les mains et le regard. Cela ne m’agite pas au même niveau physique et énergétique. Pourtant, quand je dessine, je n’ai pas l’impression de faire un autre métier. C’est le même métier. Des fois, je me dis : je suis une actrice qui dessine. Parfois, je suis une peintre qui joue. Qu’est-ce qui nous a été donné au départ ? Plein d’outils. Il y a des gens qui n’osent pas les utiliser par peur d’être nuls. Moi, bizarrement, je n’ai pas cette inquiétude-là avec la peinture, peut-être parce que je ne ressens pas le besoin de montrer ce que je fais. J’ai déjà un endroit où j’existe concrètement ; la scène. Pendant le premier confinement, privée de théâtre, je n’ai fait que dessiner. C’était extraordinaire de sentir que tout le monde se mettait en pause. J’avais l’impression que les animaux, la planète, les êtres humains, la nature en avaient besoin. Ensuite seulement, j’ai senti la souffrance que cela pouvait générer. Mais, si tout le monde avait eu à manger à sa faim pendant cette période, cela aurait été une période de retranchement merveilleuse pour moi.

Qu’amenez-vous du théâtre dans votre œuvre plastique ?

– Les deux champs sont poreux. Je travaille les « boîtes » en trois dimensions, comme un espace théâtral. D’une certaine manière, je mets l’aplat en volume, en créant plusieurs plans. J’intègre aussi des découpes, des ajours, ce qui créé de l’interaction avec un « spectateur ». Quand tu déplaces ton point de vue sur la « boîte », les éléments qui composent l’image s’alignent dans le cadre ou se décalent. Je ne veux pas que les gens pensent qu’il n’y a qu’un seul point de vue, où tout rentre dans le cadre. Du coup, cela ne doit jamais être rigoureusement juste, pour qu’ils acceptent que ce n’est jamais complètement faux.

Qu’amenez-vous de la peinture dans le théâtre ? 

– Toute la réflexion concernant la scénographie, que nous faisons ensemble avec Dorian et les autres acteurs. Cet endroit collectif de la mise en commun des idées plastiques me change de ma solitude quand je peins.
Je n’ai pas forcément les mêmes goûts dans le grand (les scénographies de théâtre) que dans le petit (mes peintures miniatures). Nous sommes, Dorian et moi, fans d’art contemporain et y puisons beaucoup d’inspiration pour les décors. Ce que je fais en peinture s’apparente pourtant davantage à de l’art naïf qu’à de l’art conceptuel. Les similitudes entre des motifs redondants dans mes peintures et dans nos scénos – par exemple les cadrages, le focus, les aplats, le hors champ – existent parce que ce sont des questions tout aussi brûlantes pour Dorian que pour moi.

“L’émerveillement” dont vous parlez, c’est quoi ?

– Je suis quelqu’un d’assez renfermée, avec un monde intérieur très auto-suffisant. “L’émerveillement”, c’est l’incursion de la beauté du monde extérieur dans mon monde intérieur. C’est pour cela que je parle de sacré, que l’on croit en Dieu ou non d’ailleurs. “L’émerveillement”, c’est le bout par lequel on boit. Comment fait-on pour ne pas mourir d’auto-empoisonnement quand on vit dans sa bulle ? “L’émerveillement”, c’est l’arrivée de la lumière dans l’espace sombre du dedans. “L’émerveillement”, c’est toujours un cadeau. Imagine, le cosmos t’offre un bout d’étoile. La moindre des choses, c’est d’essayer de le restituer. Ne pas rendre hommage à ce cadeau serait ingrat. En te donnant des qualités, la vie te donne aussi une fonction. C’est vrai pour un cuisinier, pour un scientifique, un écrivain, etc. Chacun partage, ou restitue à sa manière, ce qui lui a été donné. Mes outils sont le corps théâtral, la peinture et le chant ; que des outils artistiques. C’est là que mon appareil fonctionnel marche. C’est vital, sinon je meurs dans ma grotte. Oui, c’est grâce à ces outils que je me relie aux autres.

Propos recueillis par Laure Hirsig

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