Le patrimoine du cinéma suisse mis en Lumière

La Suisse est l’invitée d’honneur du 9e Marché internationale du film classique (MIFC), qui se déroule à Lyon du 12 au 15 octobre prochain. L’occasion d’évoquer un riche passé mais aussi de lui offrir un avenir.

Photo page d’accueil: “Gilberte de Courgenay” de Franz Schnyder (1941) Crédit: capture d’écran.

Les frères Lumière regardant en direction de la Suisse. Crédit: LDD

A quel moment un film devient-il un « classique » ? Est-ce une question d’ancienneté ? De qualité ? D’innovation ? « Un classique du cinéma, ce peut être un document aussi précieux que Le Déjeuner de bébé des frères Lumière ; c’est toujours un film qui marque une étape importante dans l’évolution de la technique et du langage cinématographiques ; c’est surtout un film qui, indépendamment de son ancienneté, s’impose par sa valeur esthétique, un film dont la valeur est universellement reconnue par la critique », nous éclaire l’historien d’art Henri-Paul Sénécal. En 1962, dans la revue “Séquence”, il ajoute que « nul ne peut prétendre à une culture véritable s’il ne connaît les œuvres, les auteurs, les écoles, les tendances, les styles qui, à travers le temps et l’espace, forment le visage changeant et divers du cinéma ou des lettres ».
Ce « visage changeant et divers », le Festival Lumière tente d’en révéler les multiples facettes depuis sa création en 2009. Avec cette idée qu’il importe de mieux faire connaître les œuvres qui constituent les pierres angulaires du 7e art, tant auprès des professionnels que d’un public plus large. En toute logique, c’est à Lyon, où Auguste et Louis Lumière tournèrent leur premier film en mars 1895, « que le monde du cinéma célèbre sa vitalité et sa mémoire, à travers une visite contemporaine aux œuvres du passé (films restaurés, rétrospectives, invités, hommages…) », ainsi que le précisent les organisateurs.
La nostalgie n’étant plus ce qu’elle était, pas question donc de se cantonner à la seule évocation d’un âge d’or, qui constitue une imposante mais toujours discutable mythologie. Loin d’avoir le regard fixé sur le rétroviseur, le Festival Lumière cherche à « faire vivre » en allant de l’avant. D’où l’idée, en 2013, d’adjoindre à la manifestation un Marché international du film classique (MIFC). C’est le premier du genre et, à ce jour, l’unique. L’initiative est d’autant plus pertinente que l’on assiste non seulement à un regain d’intérêt du public pour ce patrimoine mais aussi à une révolution dans les standards de conservation des films. En Suisse, qui est donc l’invitée d’honneur de cette 9e édition, le Centre de recherche et d’archivage de la Cinémathèque a fait sa révolution numérique il y a déjà quelques années. A Penthaz, dans un bâtiment de 53’500 m², il abrite pas moins de 85’000 films et 700’000 bobines (sans compter les photos, les scénarios, les livres, etc.). Lors de son inauguration, en 2019, Caroline Fournier, la cheffe du Département film, déclarait : « Numériser les films, c’est garder le cinéma vivant. Et là est notre défi ! ».

Focus sur les pratiques suisses

Ce défi, il en sera probablement question lors de la table ronde du mercredi 13 octobre qui réunit, outre Frédéric Maire pour la Cinémathèque Suisse, Florian Leupin (Filmo), Pierre-Adrian Irlé (SRG SSR), Marcel Müller (Swiss films) Félix Hächler (Filmcoopi) Alfio Di Guardo (les Cinéma du Grütli), Gérard Ruey (Association Alain Tanner) et Daria Voumard (Locarno Film Festival). Sous le titre « Une filière du patrimoine plurielle et dynamique », on évoquera les mille et une manières d’exploiter le riche et trop méconnu patrimoine cinématographique suisse. Le public pourra également découvrir deux films récemment restaurés : L’inconnu de Shandigor de Jean-Louis Roy (1967) et Höhenfeuer (L’Ame-soeur) de Fredi Murer (1985). Ce focus sur notre pays a pour objectifs de décrypter le fonctionnement et les spécificités du marché suisse, de découvrir ses business models et d’encourager les collaborations internationales.
Tout au long des 4 jours du MIFC, il s’agira donc de structurer et valoriser la filière internationale du cinéma de patrimoine, fédérer et renseigner ses acteurs, partager et questionner les pratiques, générer des achats et des ventes de droits cinématographiques et de prestations diverses via des tables rondes et des ateliers. Il s’agira aussi et surtout de montrer à quel point, au cinéma comme ailleurs, le passé peut éclairer l’avenir.

Informations: http://www.mifc.fr